Le groupe thérapeutique en psychomotricité est un dispositif de soin qui mobilise la dynamique collective pour travailler, à travers le corps, des enjeux psychiques, relationnels et fonctionnels. Au-delà du simple regroupement de patients autour d’un même psychomotricien, il s’agit d’un espace intermédiaire : suffisamment contenant pour garantir la sécurité de chacun, mais ouvert à la rencontre et au « miroitage » qu’autorise la présence d’autrui.
D’un point de vue théorique, le travail thérapeutique de groupe s’appuie, entre autres, sur de nombreux apports tels que la psychosociologie ( J-L MORENO avec le jeu de rôle, la sociométrie ; K.LEWIN avec ses travaux sur la dynamique de groupe et le leadership…), la psychanalyse (D. ANZIEU avec la notion d’ organisateurs groupaux, d’appareil psychique groupal avec R.KAES, « les présupposés de base » de BION) et de la psychomotricité elle-même, qui postule l’unité indissociable du corps et de la vie psychique. Nous pouvons comprendre un groupe à travers sa dimension sociale « le groupe social », sa dimension psychique « la groupalité psychique », mais aussi à travers sa dimension corporelle « le corps groupal » ou compréhension psychocorporelle du groupe. Il existe une correspondance fondamentale entre l’espace du corps et celui du groupe:
- L’espace groupal s’article sur l’espace vécu du corps ;
- Le groupe revisite et ré-expérimente le processus de structuration psychocorporel et de la pensée ;
- S’appuyer sur cette géométrie et dynamique corporelle pour l’appliquer à l’espace groupal.
Dans le groupe, chaque participant devient à la fois acteur et témoin : ces boucles de rétroaction sensorielle et affective favorisent la prise de conscience corporelle, la différenciation soi/autrui, l’ajustement tonico-émotionnel et le développement des capacités d’intersubjectivité. Le travail corporel partagé constitue la matrice de ce processus. Qu’il s’agisse de jeux d’adresse, de parcours moteurs, de relaxation, d’exploration rythmique ou d’expériences d’appui et de portage, une analogie apparait entre la mise en jeu des corps dans le groupe et « le corps propre du groupe », structuré comme un corps humain et répondant à un même schéma. La construction d’un groupe, son parcours et son évolution semblent inclure et reprendre un certains nombres de paramètres présents dans le développement psychocorporel de l’individu.
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Par ailleurs, la posture du psychomotricien est double : il est garant du cadre (temps, règles simples, répartition de l’espace, matériel,…) et, simultanément, il s’inscrit comme « participant-médiateur ». Sa présence corporelle, la manière dont il module sa voix, dont il régule les distances interpersonnelles ou propose une consigne, servent de repères sensoriels et psychiques. Il observe les phénomènes transférentiels et les mouvements identificatoires, ajustant son intervention pour favoriser l’expression émotionnelle, contenir l’angoisse ou relancer la créativité ludique.
Le groupe se révèle particulièrement pertinent :
- Chez l’enfant, lorsqu’il s’agit de soutenir la socialisation, d’élaborer la gestion des impulsions et le contrôle postural, ou de favoriser l’intégration des praxies et des coordinations dans un contexte de plaisir partagé.
- Chez l’adolescent, en proie à des remaniements identitaires, car l’effet miroir et la possibilité de « se mettre en jeu » devant ses pairs amplifient la construction de l’image du corps et des compétences sociales.
- Chez l’adulte, lorsqu’une pathologie chronique ou un accident de la vie a fragilisé la sécurité intérieure (par exemple) : le groupe offre un territoire où restaurer la confiance motrice, redéployer la capacité d’initiative et (ré)apprendre la coopération.
- Chez la personne âgée, enfin, où la dimension préventive et stimulante du collectif soutient la motricité fine, l’équilibre, le tonus affectif et toutes les mémoires (perceptive, procédurale, sémantique… « autobiographique ») , tout en luttant contre l’isolement.
En résumé, le groupe thérapeutique en psychomotricité est un laboratoire vivant où le corps devient langage partagé : on y expérimente différentes manières d’être avec soi et avec les autres, on fait l’expérience concrète que le mouvement est aussi porteur de sens et d’affect, et l’on construit, séance après séance, des dynamiques psychocorporelles riches et variées, sources d’id-entité.
Ubuntu… je suis parce que nous sommes !